Auto-école
Quelqu’un me demanda un jour ce que représentait pour moi le Druidisme. Comme les plaisanteries, les questions les plus courtes sont toujours les meilleures mais, posées à brûle-pourpoint, elles sont aussi les plus embarrassantes.
Après quelques instants de silence, propices à la réflexion et surtout à la préparation d’une réponse que je ne voulais pas évasive et incomplète, me vint soudain à l’esprit la vision d’une voiture.
Je répondis :
Les idéologies, les religions, les philosophies, sont comme un grand salon de l’automobile où l’on propose un nombre impressionnant de modèles, selon les aspirations, les demandes, les besoins de toutes et de tous en matière de spiritualité. Moi, j’ai choisi le druidisme.
Ce n’était pas une formule « prête à penser » faite pour le commun, destinée avant tout aux ennuyantes autoroutes bien goudronnées et bien balisées des infaillibles révélations, souvent à péage.
Ce n’était pas, non plus, le modèle le plus rutilant, le plus médiatique, le plus « tape à l’œil » ; je n’entendais pas vrombir, sous le capot les théories pompeuses ni ronronner les solennelles et soi-disant divines références.
C’était un véhicule tout simple, sans fioritures dogmatiques, sans entretien fastidieux mais il me parut solide, bien équilibré et dont l’utilisation me sembla tellement facile, le maniement tellement souple et répondant bien à mes questions et, surtout, dont la consommation en énergie spirituelle me semblait des plus économiques pour une capacité de route illimitée.
Je savais que mon chemin ressemblerait à une course de rallye et comporterait des tronçons de route bien différents, tantôt des lignes droites de confortables certitudes, tantôt des chemins de doutes, d’accès bien difficiles, tantôt même des sentiers impraticables de découragements, de remises en cause mais j’avais toute confiance en mon véhicule ; je savais que je serais secoué, malmené, ballotté en tous sens, peut-être même blessé mais j’étais sûr qu’il me mènerait à bon port, au bout de mon chemin, sur l’ultime ligne d’arrivée.
Après cette réponse qui, j’ose le croire, a pu satisfaire mon interlocuteur, ma pensée, branchée auto, m’amena tout naturellement à évoquer une « auto-école ».
C’était bien ça… notre Enseignement peut être comparé à une auto-école de spiritualité, le mot « auto-école » étant du reste à prendre dans son étymologie, une école de conduite, certainement mais aussi une école où l’on doit en grande partie apprendre par soi-même.
J’en venais, naturellement, à établir un point commun entre les degrés initiatiques de notre Collège et les stades successifs de l’apprentissage de la conduite automobile.
Le visiteur du salon qui s’intéresse au modèle « Druidisme » commence par prendre connaissance des possibilités du véhicule mais aussi des capacités requises pour sa conduite et des moyens mis à sa disposition pour pouvoir, un jour, le prendre en main. Il demande à connaître le programme de formation de l’école de conduite que nous appelons « Collège », pour juger si elle est apte à répondre à ses aspirations et à lui procurer l’enseignement qu’il en attend.
Or, il constatera que cette formation, basée en partie sur des documents écrits et des enseignements oraux, demande surtout une recherche personnelle et une écoute minutieuse des flashs intuitifs émanant de sa nature propre et de ses origines, en quelque sorte son inné. Il devra particulièrement veiller à retrouver l’usage de ses sens primitifs, étouffés sous des siècles d’obscurantisme et de pseudo civilisation.
On peut donc mettre en parallèle l’épreuve de code du candidat qui a dû assimiler les règles de conduite et l’investiture du disciple (disciple barde si sa sensibilité personnelle est plutôt littéraire ou disciple ovate si elle est plutôt scientifique), qui a su se pénétrer de notre doctrine.
Ensuite, on peut trouver une similitude entre l’examen du permis de conduire proprement dit, du candidat considéré capable de pouvoir se servir d’un véhicule sans aide extérieure, à l’intronisation du Barde ou de l’Ovate, jugé apte à mettre en pratique ses connaissances.
L’Eubage est semblable à un élève qui prépare son examen de moniteur d’auto-école.
Enfin, faisons la dernière comparaison entre le moniteur d’auto-école et le Druide en constatant qu’ils ont tous deux l’aptitude à l’enseignement, la mission de préparer et de conduire à la réussite, l’un de nouveaux candidats, l’autre de nouveaux disciples et, surtout, d’autres Druides potentiels.
Mais, là s’arrête cet état comparatif entre ces deux programmes de formation qui, s’ils présentent certaines analogies sur la forme, diffèrent, bien entendu, totalement sur le fond.
Il est important de souligner que, dans le cas du Collège Druidique, l’adepte atteint les divers degrés initiatiques selon, bien entendu, le jugement de ses enseignants mais aussi par son désir d’y accéder car le Druidisme, en toute occasion, respecte la liberté et le libre arbitre de chacune et chacun car ce n’est nullement une secte autoritaire et féodale, n’en déplaise aux détracteurs patentés, aux esprits bornés et aux inquisiteurs de tous poils, qui n’ont de la liberté de conscience qu’une vision pour le moins étriquée, voire spécieuse.
De plus, le Druide, s’il devient Enseignant, n’en reste toujours pas moins un étudiant ; s’il sait, il ne sait pas tout ; s’il connaît, il ne connaît pas tout ; s’il peut, il ne peut pas tout ; il ne possède pas la « science universelle » et doit sans cesse se perfectionner.
Nous ne sommes plus à l’époque où la formation pouvait être dispensée à temps plein, dans la paix et la sérénité des forêts profondes. La vie impose ses contingences familiales, professionnelles et autres à toutes et à tous.
Le Druidicat n’est certainement pas un piédestal d’où l’on peut voir et être vu et contempler le monde avec paternalisme et condescendance. Le Druide doit être « un » parmi les autres, au milieu des autres.
Sa mission est d’enseigner mais aussi de servir.
La blancheur de sa vêture est avant tout un symbole d’humilité, de simplicité et d’unité et, comme le démontre, bien mieux que moi, mon ami le druide Myrddin de la Clairière Lemovica, le blanc n’existe que parce qu’il est la fusion de toutes les autres couleurs.